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La Tragédie des Siècles
ci avait résolu de confesser sa foi et de suivre son frère et ami jusque
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dans les flammes du bûcher.
Il retira sa première rétractation, et, comme tout condamné à
mort, il sollicita le droit de présenter sa défense. Craignant l’effet de
ses paroles, les prélats exigèrent qu’il se bornât à reconnaître ou à
nier la véracité des accusations portées contre lui. Jérôme protesta
contre cette injustice et cette cruauté : “Vous m’avez tenu enfermé
trois cent quarante jours dans une affreuse prison, dans l’ordure, dans
la puanteur, dans le besoin extrême de toutes choses ; vous me faites
ensuite comparaître devant vous et, prêtant l’oreille à mes ennemis
mortels, vous refusez de m’écouter !... Si vous êtes réellement des
hommes sages et les lumières du monde, prenez garde de ne point
pécher contre la justice. Pour moi, je ne suis qu’un faible mortel : ma
vie est peu de chose, et, lorsque je vous exhorte à ne point rendre une
sentence inique, je parle moins pour moi-même que pour vous
On fit droit à sa requête. Jérôme s’agenouilla en présence de ses
juges, demandant à Dieu de diriger ses pensées et ses paroles, en
sorte qu’il ne dise rien qui fût contraire à la vérité ou indigne de son
Maître. Aussi vit-on, en ce jour, se réaliser la promesse de Jésus à ses
premiers disciples : “Vous serez menés, à cause de moi, devant des
gouverneurs et devant des rois. ... Mais, quand on vous livrera, ne
vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous
direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même ;
car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui
parlera en vous
Les paroles de Jérôme excitèrent l’étonnement et l’admiration
de ses ennemis eux-mêmes. Il avait été enfermé durant une année
dans une prison obscure où il lui avait été impossible de lire et où il
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avait éprouvé de vives souffrances physiques et de grandes angoisses
morales. Néanmoins, il parla avec autant de clarté et de puissance
que s’il avait eu l’occasion de préparer sa défense à son aise. Il attira
l’attention de ses juges sur tous les hommes injustement condamnés
au cours des siècles. Il en mentionna plusieurs — le Christ y compris
— qui, après avoir été couverts d’opprobre et condamnés comme
1. E. de Bonnechose, ouv. cité, vol. II.
2.
Matthieu 10 :18-20
.