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Chapiter 6 — Hus et Jérôme
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malfaiteurs parce qu’ils avaient tenté d’éclairer leurs semblables,
furent plus tard jugés dignes des plus grands honneurs.
Dans sa rétractation, Jérôme avait reconnu comme juste la sen-
tence qui avait condamné Hus. Honteux de sa faiblesse, il rendit
un éclatant témoignage à l’innocence et à la sainteté du martyr. “Je
l’ai connu depuis son enfance, dit-il... C’était un homme excellent,
un juste, un saint, et vous avez osé condamner cet innocent... ! Moi
aussi, je suis prêt à mourir ; je ne reculerai pas devant le supplice
que me préparent mes ennemis et de faux témoins qui devront un
jour rendre compte de leurs impostures devant le grand Dieu que
rien ne peut tromper
Parlant des remords que lui occasionnait son reniement, Jérôme
poursuivit : “De tous les péchés que j’ai commis depuis ma jeunesse,
aucun ne me pèse davantage et ne me cause de plus poignants
remords que celui que j’ai commis en ce lieu fatal, lorsque j’ai
approuvé la sentence inique rendue contre Wiclef et contre ce saint
martyr Jean Hus, mon maître et mon ami. Oui, je le confesse de
cœur et de bouche, je le dis avec horreur, j’ai honteusement failli par
crainte de la mort en condamnant leurs doctrines. Je supplie donc le
Dieu tout-puissant de me pardonner mes péchés, et particulièrement
celui-ci, le plus odieux de tous.” En tendant la main vers ses juges, il
ajouta d’une voix ferme : “Vous avez condamné Wiclef et Jean Hus,
non comme ayant ébranlé la doctrine de l’Eglise, mais seulement
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parce qu’ils ont flétri les scandales provenant du clergé : le faste,
l’orgueil et tous les vices des prélats et des prêtres. Les choses qu’ils
ont dites et qui sont irréfutables, je les pense et je les dis comme
eux.”
Frémissants de colère, les prélats l’interrompirent en s’écriant :
“Qu’est-il besoin d’autre preuve ? Nous voyons de nos yeux le plus
obstiné des hérétiques !”
Sans se laisser émouvoir par cette tempête, Jérôme continua :
“Et quoi, pensez-vous donc que je craigne la mort ? Vous m’avez
retenu toute une année aux fers, dans un affreux cachot, plus horrible
que la mort même ; vous m’avez traité plus rigoureusement qu’un
Turc, qu’un Juif ou qu’un païen, et ma propre chair a pourri vivante
sur mes os. Et cependant je ne me plains pas, car la plainte sied mal
1. E. de Bonnechose, ouv. cité, vol. II.