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La Tragédie des Siècles
à un homme de cœur ; mais je m’étonne d’une si grande barbarie
envers un chrétien.”
Le tumulte couvrit de nouveau sa voix, et Jérôme fut reconduit
dans sa prison. Mais il s’était trouvé dans l’assemblée des personnes
sur lesquelles ses paroles avaient fait une profonde impression, et
qui désiraient sauver Jérôme. Des dignitaires de l’Eglise allèrent le
trouver pour l’engager à se soumettre au concile. On lui promettait
l’avenir le plus brillant si, souscrivant à la sentence rendue contre
Jean Hus, il abjurait sa doctrine. Comme son maître, alors qu’on lui
offrait les gloires de ce monde, il demeura inébranlable :
“J’abjurerai, dit-il, si, par la sainte Ecriture, vous me démontrez
que je suis dans l’erreur.”
“Eh quoi ! fit l’un de ses tentateurs, jugera-t-on de tout par les
saintes Lettres ? Ne faut-il pas revenir aux Pères pour les interpré-
ter ?”
“Qu’entends-je ? s’écria Jérôme. ... Les traditions des hommes
sont-elles plus dignes de foi que cette sainte Parole du Seigneur ?
Paul n’a point exhorté ses lecteurs à écouter les traditions des
hommes ; il a dit : “Les saintes Ecritures vous instruiront.”
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“Hérétique ! fit un cardinal en jetant sur lui un regard courroucé,
je me repens d’avoir ici plaidé si longtemps pour toi : le diable est
dans ton cœur
Jérôme fut condamné à mort et brûlé à l’endroit même où Hus
avait donné sa vie. C’est en chantant, et le visage rayonnant de paix
et de joie, qu’il se rendit au lieu du supplice. Il avait les yeux fixés sur
son Sauveur. Pour lui, la mort avait perdu ses terreurs. Le bourreau
s’étant glissé derrière lui pour allumer le bûcher, le martyr lui cria :
“Avance hardiment, et mets le feu devant moi ; si je l’avais craint, je
ne serais pas ici.”
Les dernières paroles qu’il proféra pendant que les flammes
l’enveloppaient furent celles-ci : “Seigneur, Père tout-puissant, aie
pitié de moi et pardonne-moi mes péchés, car tu sais que j’ai toujours
aimé ta vérité
” Sa voix cessa de se faire entendre, mais ses lèvres
murmuraient encore une prière. Quand le feu eut achevé son œuvre,
1. E. de Bonnechose, ouv. cité, vol. II.
2. E. de Bonnechose, ouv. cité, vol. II.