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La Tragédie des Siècles
armes et des munitions dans toutes les parties de l’Europe. Des mul-
titudes vinrent se ranger sous les étendards du pape avec la certitude
d’écraser enfin ce peuple d’hérétiques. Confiants en la victoire, les
envahisseurs pénétrèrent en Bohême. Le peuple courut aux armes
pour les repousser. Les deux armées se rapprochèrent l’une de l’autre
jusqu’à ce que, seule, une rivière les séparât. “Les croisés étaient de
beaucoup supérieurs en nombre ; mais au lieu de franchir le cours
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d’eau, et d’engager la bataille avec ces hussites qu’ils venaient com-
battre de si loin, ils se contentèrent de les contempler en silence
Soudain, ils furent pris d’une mystérieuse panique. Sans coup férir,
cette puissante armée se débanda et se dispersa, comme frappée
par une puissance invisible. Un grand nombre de fuyards furent
massacrés par l’armée hussite, et un immense butin resta aux mains
des vainqueurs.
Quelques années plus tard, un nouveau pape ordonna une nou-
velle croisade. Comme pour la campagne précédente, on recruta
des hommes et des fonds dans toute l’Europe. De grands avantages
étaient offerts à ceux qui s’enrôlaient dans cette périlleuse entre-
prise. Tout croisé recevait l’assurance de l’impunité des crimes les
plus odieux. On promettait à ceux qui tomberaient sur le champ de
bataille une belle récompense dans le ciel, et aux survivants des ri-
chesses et des honneurs. Encore une fois, une grande armée franchit
la frontière et entra en Bohême. Les hussites se retirèrent devant elle,
attirant ainsi les envahisseurs à l’intérieur du pays et leur laissant
croire qu’ils avaient déjà la victoire. Mais l’armée de Procopius fit
volte-face, et s’apprêta à livrer bataille aux forces ennemies. S’aper-
cevant seulement alors de leur erreur, les croisés restèrent dans leur
camp, attendant l’attaque. Lorsqu’ils apprirent que l’armée hussite
approchait, et avant même qu’elle fût en vue, les croisés, saisis de
panique, lâchèrent pied. Princes, généraux et soldats, jetant leurs
armures, s’enfuirent dans toutes les directions. Le légat du pape, chef
de l’expédition, s’efforça de rallier ses troupes terrifiées. Il fut lui-
même entraîné par la vague des fugitifs. La déroute fut complète, et
un immense butin resta de nouveau entre les mains des vainqueurs.
Ainsi, à deux reprises une armée brave et aguerrie, envoyée par
les plus puissantes nations d’Europe, avait fui sans tirer l’épée de-
1. Wylie, liv. III, chap. XVII.