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La Tragédie des Siècles
Enfin, il aperçut dans le lointain la ville aux sept collines. Saisi
d’une profonde émotion, il se prosterna en terre en s’écriant : “Rome
sainte, je te salue !” Entré dans la cité, il visita les églises, écouta les
histoires extraordinaires que racontaient les prêtres et les moines, et
se conforma à toutes les cérémonies du culte. Partout, ses yeux ren-
contraient des scènes qui le remplissaient d’étonnement et d’horreur.
L’iniquité s’étalait dans tous les rangs du clergé. Partout les prélats
se permettaient des plaisanteries indécentes dont l’esprit profane
pénétrait jusque dans les saints offices. Où qu’il se tournât il rencon-
trait l’impiété, non la sainteté. “On ne saurait croire les péchés et
les actions infâmes qui se commettent dans Rome, écrivait-il ; il faut
le voir et l’entendre pour le croire. Aussi a-t-on coutume de dire :
S’il y a un enfer, Rome est bâtie dessus ; c’est un abîme d’où sortent
tous les péchés.”
Par un récent décret, le pape venait d’accorder une indulgence
à tous ceux qui graviraient à genoux l’“escalier de Pilate”, qu’on
prétendait être celui — miraculeusement transféré de Jérusalem
à Rome — par lequel notre Sauveur était descendu en quittant le
tribunal romain. Luther en faisait dévotement l’ascension, quand,
tout à coup, la parole du prophète Habakuk, que Paul a répétée,
retentit dans son cœur comme un tonnerre : “Le juste vivra par la
foi
” Se relevant brusquement, il s’éloigna honteux et bouleversé.
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Cette parole impressionna toujours son âme. Dès ce moment, il vit
plus clairement que jamais combien il est erroné de chercher le salut
dans les œuvres. Il comprit aussi la nécessité de la foi aux mérites
de Jésus-Christ. Ses yeux étaient dessillés, et cela pour toujours, sur
les égarements de la papauté. En détournant son visage de la ville de
Rome, il en avait détourné son cœur, et, à partir de ce jour, l’abîme
qui l’en séparait devait aller en s’élargissant jusqu’à la séparation
complète.
A son retour de la ville éternelle, Luther reçut de l’université de
Wittenberg le grade de docteur en théologie. Il pouvait désormais
se consacrer plus que jamais à l’étude des saintes Ecritures qu’il
chérissait. Il avait fait le vœu solennel d’étudier avec soin et de
prêcher fidèlement tous les jours de sa vie la Parole de Dieu, et non
les décisions et les doctrines des papes. Il n’était plus simplement
1.
Romains 1 :17
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