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La Tragédie des Siècles
auditeurs. Parfois, sa prédication était interrompue par des cris et
des moqueries ; d’autres fois, il était violemment expulsé du lieu de
l’assemblée. A maintes reprises, poursuivi et frappé par la populace,
il fut laissé pour mort. Mais il ne se décourageait pas. Repoussé,
il revenait opiniâtrement à l’assaut et finissait par voir des villes,
des bourgs et des villages, autrefois forteresses de la papauté, ouvrir
leurs portes à l’Evangile. La petite paroisse d’Aigle, qui fut le théâtre
de ses premiers travaux, ne tarda pas à se ranger sous la bannière de
la Réforme. Les villes de Morat et de Neuchâtel, abandonnant aussi
les rites du romanisme, enlevèrent les idoles de leurs églises.
Depuis longtemps, Farel aspirait à planter l’étendard protestant à
Genève. Si cette ville pouvait être gagnée, pensait-il, elle deviendrait
un centre pour la Réforme en Suisse, en France et en Italie. Dans
cette perspective, il avait réussi à rallier à la cause de l’Evangile
plusieurs bourgs et villages des environs. Accompagné d’un collabo-
rateur nommé Antoine Saunier, il entra dans Genève. Mais il ne put
y prêcher que deux fois. Les prêtres, ayant échoué dans leurs efforts
pour le faire condamner par l’autorité civile, le sommèrent de com-
paraître devant un tribunal ecclésiastique, où ils se rendirent avec
des armes cachées sous leurs soutanes, déterminés à lui ôter la vie.
En dehors de la salle, une populace furieuse, armée de gourdins et
d’épées, s’apprêtait à le tuer dans le cas où il réussirait à s’échapper
du tribunal. Farel fut sauvé grâce à la présence des magistrats civils
et d’une troupe armée. De bonne heure, le lendemain, il était, avec
son compagnon, conduit en lieu sûr de l’autre côté du lac. Ainsi se
termina sa première tentative d’évangélisation à Genève.
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La seconde fois, on choisit un instrument plus modeste ; c’était
un jeune homme de si chétive apparence qu’il fut froidement reçu,
même par les amis de la Réforme. Que pouvait faire cet homme
inexpérimenté là où Farel avait échoué ? Comment pourrait-il résister
à la tempête devant laquelle le vaillant réformateur avait dû battre en
retraite ? “Ce n’est ni par la puissance ni par la force, mais c’est par
mon esprit, dit l’Eternel des armées
” En effet, “Dieu a choisi les
choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les
choses faibles du monde pour confondre les fortes”. “Car la folie de
1.
Zacharie 4 :6
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