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La Tragédie des Siècles
éternellement.” C’est là la base réelle d’une autre accusation po-
pulaire : notre “manque de charité”. Manquons-nous réellement de
charité ? Sous quel rapport ? Ne donnons-nous pas de quoi manger à
ceux qui ont faim, et de quoi se vêtir à ceux qui sont nus ? — “Non,
ce n’est pas ce que nous entendons : vous êtes parfaitement en règle
sous ce rapport ; mais vous manquez de charité dans vos jugements :
vous vous imaginez qu’on ne peut être sauvé qu’en faisant comme
vous
””
Le déclin spirituel constaté en Angleterre avant les jours de Wes-
ley était dû en grande partie à l’enseignement de l’antinomianisme
Plusieurs affirmaient que, la loi morale étant abolie par Jésus-Christ,
l’enfant de Dieu, affranchi de “l’esclavage des œuvres”, n’est plus
tenu de l’observer. D’autres, tout en admettant la perpétuelle obliga-
tion de la loi, déclaraient qu’il était superflu d’exhorter les auditeurs
à en observer les préceptes, car ceux que Dieu a destinés au salut sont
“irrésistiblement contraints, par la grâce divine, de pratiquer la piété
et la vertu”, tandis que ceux qui sont condamnés à la réprobation
“n’ont pas la force d’obéir à Dieu”.
D’autres encore, sous prétexte que “les élus ne peuvent ni dé-
choir de la grâce, ni perdre la faveur de Dieu”, en arrivaient à cette
conclusion, plus odieuse si possible, que “le mal qu’ils font n’est pas
réellement un péché ; qu’il ne peut donc être considéré comme une
violation de la loi divine, et que, par conséquent, ils n’ont lieu ni de le
confesser, ni d’y renoncer
. Ils en déduisaient que certains péchés,
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même les plus scandaleux, et “universellement regardés comme des
infractions flagrantes de la loi divine, ne sont pas des péchés aux
yeux de Dieu” s’ils sont commis par des élus, car “c’est une des
caractéristiques des élus de ne pouvoir rien faire qui déplaise à Dieu
ou qui soit défendu par sa loi” !
Ces doctrines monstrueuses sont essentiellement celles de cer-
tains théologiens modernes qui nient l’existence d’une ligne de dé-
marcation immuable entre le bien et le mal, et considèrent la norme
de la morale comme dépendant de la société régnante et sujette, par
conséquent, à de continuels changements. Toutes ces théories sont
inspirées par un même esprit : celui qui, parmi les purs habitants du
1.
Wesley’s Works 3 :152, 153
.
2. Du grec
anti
(contre) et
nomos
(loi).
3.
McClintock and Strong’s Cyclopedia
, art. “Antinomians”.