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La Tragédie des Siècles
fut interdite ; le repos hebdomadaire fut supprimé et remplacé par
le décadi. Des inscriptions placées bien en vue sur les cimetières
déclaraient que la mort est un sommeil éternel.
On affirmait que, loin d’être “le commencement de la sagesse”,
la crainte de Dieu était le commencement de la folie. Tout culte reli-
gieux, sauf celui de la liberté et de la patrie, fut prohibé. “L’évêque
constitutionnel de Paris eut le principal rôle dans une comédie im-
pudente et scandaleuse qui fut jouée en présence de l’Assemblée
nationale. ... Il vint, recouvert de ses ornements sacerdotaux, pour
déclarer à la barre de la Convention que la religion qu’il avait ensei-
gnée tant d’années avait été inventée de toutes pièces par les prêtres
et qu’elle n’avait aucun fondement ni dans l’histoire ni dans la vérité
sacrée. Dans les termes les plus solennels et les plus explicites, il
nia l’existence de la divinité dont il avait été le prêtre, annonçant
qu’il allait désormais dédier sa vie au culte de la liberté, de l’égalité,
de la vertu et de la morale. Il déposa alors devant l’Assemblée ses
insignes épiscopaux et reçut du président de la Convention l’acco-
lade fraternelle. Plusieurs prêtres apostats suivirent l’exemple de ce
prélat
“Et à cause d’eux les habitants de la terre se réjouiront et seront
dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents les uns aux autres,
parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre.”
La France avait réduit au silence la voix de ces deux témoins. La
Parole de vérité, étendue comme un cadavre dans ses rues, mettait
dans la joie ceux qui haïssaient les restrictions et les exigences de
la loi divine. On outrageait publiquement le Dieu du ciel. Comme
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certains pécheurs d’autrefois, on s’écriait : “Comment Dieu saurait-
il, comment le Très-Haut connaîtrait-il
?”
Avec une hardiesse dans le blasphème dépassant presque toute
conception, un prêtre du nouvel ordre s’écriait : “Dieu, si tu existes,
venge les injures faites à ton nom. Je te défie ! ... Tu gardes le silence.
... Tu n’oses pas lancer les éclats de ton tonnerre ! ... Qui, après
ceci, croira encore à ton existence
?” Echo frappant des paroles
de Pharaon : “Qui est l’Eternel pour que j’obéisse à sa voix ? Je ne
connais pas l’Eternel !”
1. Voir Appendice.
1.
Psaumes 73 :11
.
2. Lacretelle,
Histoire 11 :309
. Cité dans
Alison’s History of Europe
, vol. I, chap. X.