Page 244 - La Trag

Basic HTML Version

240
La Tragédie des Siècles
présente sa plus noble et sa plus pure image ; s’il vous faut des
idoles, n’apportez plus vos hommages qu’à celle-ci. ... Tombe devant
l’auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison ! ...
”Après avoir reçu l’accolade du président, l’idole, montée sur un
char magnifique, fut conduite, au milieu d’un immense concours de
peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée
sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs
Cette cérémonie fut suivie d’un autodafé de livres pieux, y com-
pris la Bible. “La Société populaire de la section du Musée entra au
Conseil en criant :
Vive la Raison !
et, portant au bout d’un bâton
les restes d’un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires,
les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l’Ancien et
le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du
[298]
Temple de la Raison, toutes les sottises qu’ils ont fait commettre à
l’espèce humaine
Le papisme avait commencé le travail qu’achevait l’athéisme.
Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale,
politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des
horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité
à la fois sur le Trône et sur l’Eglise
En toute justice, ces excès
doivent être attribués à l’Eglise, qui avait empoisonné l’esprit des rois
au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d’ennemie de la couronne et
d’élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome
avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées
par l’autorité royale.
En revanche, l’esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole
de Dieu. Partout où l’Evangile avait été reçu, les yeux s’étaient
ouverts. Les chaînes de l’ignorance, du vice et de la superstition, le
plus avilissant des esclavages, avaient été brisées. ... On s’était mis à
penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient
tremblé pour leur despotisme et Rome s’était empressée d’attiser
leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France :
“Cette forcènerie [le protestantisme] ne se contentera pas de brouiller
la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et
3. Alison, vol. I, chap. X.
1.
Journal de Paris
, 1793, n
0
318. Cité par Buchez-Roux, vol. XXX, p. 200, 201.
2. Voir Appendice.